Femme de Lumières
Article paru dans le journal La Libre le 16/12/2006
« C’est une paysagiste de la lumière, installée à son propre compte,
qui a imaginé l’impressionnant éclairage de la tour Dexia. »
Rencontre par Ariane van Caloen
Barbara Hediger a eu une idée lumineuse dans tous les sens du terme. C’est elle qui a imaginé l’impressionnant éclairage de la nouvelle Tour Dexia implantée place Rogier à Bruxelles. « Le résultat est au-delà de mes espérances », avoue-t-elle sans forfanterie. Et c’est vrai que le bâtiment conçu par les bureaux d’architectes Samyn et Jaspers vaut le coup d’œil une fois éclairé.
Au départ, le pari était de taille, voire un peu fou. « Il était presque trop tard quand on a fait appel à moi » raconte Barbara Hediger. Cela se passe en octobre 2003. Elle est contactée pour l’illumination de la Tour Dexia, un bâtiment de 38 étages, soit un des plus hauts de Bruxelles. Pour cette « paysagiste de la lumière », l’occasion est unique. Indépendante depuis quelques années et travaillant seule avec sa secrétaire et parfois un troisième collaborateur, elle n’a jamais eu des chantiers de cette taille. Elle a la chance de connaître le maître d’ouvrage qui a visiblement apprécié ses réalisations précédentes.
Car elle a beau être seule, elle n’en est pas pour autant inexpérimentée. Cette diplômée en architecture d’intérieur à Saint-Luc, à Liège, est depuis 16 ans dans le métier de l’éclairage. Avant de s’installer à son propre compte, elle a passé neuf ans comme déléguée commerciale pour un des deux gros distributeur de luminaires en Belgique. Elle y a beaucoup appris mais elle a voulu un jour pouvoir travailler à sa façon.
Elle a franchi le pas il y a huit ans. Avec des hauts et des bas. « À certains moments, j’ai failli arrêter« , avoue-t-elle. Elle est dans un secteur difficile. Il faut faire face « à des délais de paiements très longs« . Et puis, la concurrence est rude, en particulier des fabricants de luminaires. Elle ne pouvait pas se passer d’un « métier qui sort de ses tripes« . Elle voulait aussi poursuivre son idée de mettre en valeur uniquement la lumière. Ce goût de la lumière qui lui est venu dès l’enfance quand ses parents, enseignants en Afrique centrale, prenaient des photos d’amateurs chevronnés lors de leurs multiples périples dans la brousse ou ailleurs.
Mais Barbara Hediger ne se prend pas pour autant pour une artiste. « Je ne fais pas une œuvre d’art« , explique cette femme aux allures de sportive. Ce qui lui importe, c’est de marier de manière harmonieuse la technologie et l’esthétique. « Mon but est d’avoir la connaissance de la technologie tout en respectant l’architecture. Je ne fais que de l’éclairage architectural. Le luminaire doit s’effacer« , explique-t-elle. Et elle allie lumière et émotion pas uniquement pour des bâtiments. Elle le fait aussi pour des parcs ou des jardins.
C’est dans cet esprit-là qu’elle a travaillé pour Dexia. Avec quelques données de base pour le moins contraignantes : il s’agissait d’un bâtiment de 145 mètres de haut en plein centre de Bruxelles dont 95 pc de la surface sont constitués de verre. Or, le verre ne porte pas la lumière. Que faire ? « J’ai très vite compris que ce problème pourrait devenir un avantage dans le sens où on allait exploiter la transparence du verre« , explique-t-elle. Elle a donc proposé d’illuminer la façade de l’intérieur. Restait à trouver la technologie adéquate. Elle découvre ce qu’il lui faut à une foire internationale en mai 2004. Le nom de la solution s’écrit en trois lettres : LED pour « Light-emitting diode ». La LED offre une intensité lumineuse supérieure tout en consommant jusqu’à 40 pc d’énergie en moins. C’est une firme italienne qui a fabriqué et mis en œuvre les… 220 000 « LED » de 1,3 watt. Le logiciel de gestion était, lui, anglais. Sans oublier la matière grise qui était belge, bien sûr. Durant les dernières semaines, tous ont travaillé jour et nuit pour arriver au résultat d’aujourd’hui. « On a eu du mal à se quitter« , confie Barbara Hediger. Pour elle, il y a aura certainement l’avant et l’après-Tour Dexia.